Tribune dans Les Echos : Pourquoi tout miser sur les « avis » Google devient risqué

Google vient d’annoncer la fin de sa fonctionnalité « Message » qui permettait aux points de vente de dialoguer avec leurs consommateurs.  La décision, brutale, montre l’évolution de fond de Google par rapport à la collecte d’avis clients. Le géant du web, dont les avis perdent en visibilité, pourrait également arrêter de proposer ce service aux entreprises. Ces dernières se retrouveraient alors sans aucun recours, puisqu’elles ne sont pas propriétaires des avis Google les concernant. Il s’avère donc essentiel pour elles de choisir dès maintenant d’autres sources d’avis clients, pour ne plus dépendre uniquement du bon vouloir -et de l’imprévisibilité- de Google.

 

 

 

Tribune à lire sur Les Echos (article réservé aux abonnés) ou ci-dessous : 

Pouvoir dialoguer avec un point de vente, chatter en direct avec un vendeur : telle était la promesse de la fonctionnalité « Message » proposée par Google aux acteurs du retail. Mais le 28 mai 2024, l’arrêt de cette fonctionnalité a été annoncé : les entreprises qui l’utilisaient ont jusqu’à fin juillet 2024 pour télécharger les conversations importantes qu’elles auraient eues grâce à cet outil, qui disparaîtra ensuite. Ce n’est pas la première fois que Google décide brutalement de stopper un service, mais cette décision intervient dans un contexte particulier : celui de la perte de visibilité des avis clients estampillés Google.

 

Le nouveau règlement européen, le DMA (Digital Market Act) impose en effet à Google, depuis mars 2024, de ne plus mettre en avant uniquement « ses » avis clients. En réponse à une requête sur un produit, une marque ou un point de vente, Google doit désormais afficher à part égale ses avis et ceux issus d’autres plates-formes, comme pagesjaunes.fr ou Custplace.  Résultat : la visibilité des avis Google diminue, lentement mais sûrement. Et le phénomène ira en s’accentuant, car l’Europe semble déterminée à faire appliquer à la lettre le DMA, répondant ainsi aux attentes de l’opinion publique : 77% des Français considèrent aujourd’hui que les GAFAM abusent de leur position dominante et 60% estiment qu’ils ne permettent pas vraiment aux utilisateurs d’avoir recours à la concurrence[1].

 

Dans un tel contexte, une certitude s’impose pour les entreprises : ne compter que sur les avis Google pour bâtir sa e-réputation s’avère de plus en plus périlleux. D’abord, parce que ces avis appartiennent au « walled garden » de Google. Si ce dernier décide de stopper cette offre, les entreprises concernées se trouveront brutalement privées de cette visibilité aujourd’hui gratuite. Ensuite, parce que Google peut aussi choisir de s’allier avec une autre plate-forme d’avis, qui imposera alors brutalement ses conditions aux entreprises. C’est ce qui s’est déjà passé pour l’hôtellerie : dans ce secteur, depuis la fin 2023, la visibilité des avis Google a massivement chuté, au profit d’avis émanant de comparateurs de prix. Résultat : le chiffre d’affaires des hôteliers indépendants a fortement reculé, car ces acteurs ne disposent pas des budgets suffisants pour figurer en bonne place dans ces comparateurs.

Les grandes enseignes multiplient les appels d’offre pour ne plus dépendre que de Google

Le schéma peut bien sûr se répéter dans tous les secteurs de l’économie : partout, les avis Google peuvent se retrouver supprimés, ou remplacés par ceux d’autres acteurs, aussi puissants mais… payants, et peu ouverts au dialogue étant donné leur position de force.

Moralité : c’est dès aujourd’hui que les entreprises doivent choisir la source d’avis clients qu’elles estiment la plus fiable et la plus pertinente, pour ne plus dépendre uniquement de Google. Le mouvement commence d’ailleurs à se faire sentir depuis le début de l’année : les grandes enseignes de retail et de services lancent un nombre croissant d’appels d’offres, pour trouver des sources d’avis clients diversifiées, et se doter d’alternatives à Google.

La suppression de « Message » fait ainsi figure de signal d’alerte : les avis clients deviennent moins prioritaires dans le business model de Google, occupé sur d’autres sujets – notamment l’IA – jugés plus porteurs. Aux entreprises d’en tenir compte, et de s’y préparer, pour ne pas se retrouver brutalement dépossédées de toute e-reputation.

[1] Sondage Odoxa mars 2024